Mercredi, le 31 janvier 2024
Gyros et salade grecque
Je suis de ceux qui ont grandi avec la série télévisée d’animation franco-japonaise Ulysse 31.
Un dessin animé mélangeant mythologie grecque avec de la science-fiction, quelle idée géniale !
Arrivé au collège, je connaissais par cœur le Panthéon grec
et un de mes rêves était d’aller un jour à Athènes voir « en vrai » l’un des
berceaux de notre civilisation, fasciné par l’héritage que les Grecs antiques
nous avaient laissé dans la langue, la philosophie, la politique, la sculpture, le théâtre, l’architecture...
En 2002, inspiré par mes amis de la Gang de Lyon
que je retrouvais chaque semaine à un kébab du quartier du Tonkin,
je débutais ce blog, j’écrivais ma première nouvelle de fiction qui allait être publiée dans un support professionnel
et je terminais mes études en soutenant une thèse de doctorat.
Mon travail de recherche n’avait pas grand chose à voir avec mon amour pour l’Antiquité,
mais j’avais quand même réussi à glisser dans ma conclusion
la citation « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » en lettres grecques
qui, selon la légende, ornait le fronton de l’Académie de Platon.
En 2002 sortait aussi l’Auberge espagnole de Cédric Klapisch,
réalisateur que je ne connaissais pas bien. J’avais loupé le Péril jeune, qui évoquait les années
de lycée à une période où je portais encore des couches, au début des années 1970.
Mais dans l’Auberge espagnole, j’avais retrouvé un peu de moi :
des études effectuées à l’étranger apportant leur lot de rencontres qui allaient
marquer toute la vie, une dernière année à l’université avant d’entrer dans le monde professionnel,
et j’avais en plus à peu près le même âge que Romain Duris qui incarnait le personnage principal.
En 2005, l’Auberge espagnole connut une suite : les Poupées russes.
Dans ce deuxième volet, Cédric Klapisch s’attachait à dépeindre les problèmes professionnels et personnels de
ses personnages. Cette année-là , je mélangeais encore mes deux identités, celle de l’enseignant-chercheur
(qui ne m’apportait pas beaucoup de satisfaction, vivant une sorte de creux dans mon activité de recherche)
et celle de l’auteur, critique et plasticien, avec un article sur le genre steampunk présenté
sous mon pseudonyme au colloque La Science-Fiction dans l’Histoire,
l’Histoire dans la Science-Fiction de Nice, une exposition de mes sculptures, un projet
de nouvelle et la réécriture de mon roman. Au niveau sentimental, je vivais
une histoire que je croyais être plus sérieuse que celles vécues jusque-là ,
mais qui s’achèvera brutalement dans les premiers jours de 2006.
La trilogie de Klapisch s’est poursuivie avec, en 2013, la sortie de Casse-Tête chinois.
Les personnages avaient désormais la quarantaine, avec des enfants ou des désirs d’enfants,
et la vie devenait ce fameux casse-tĂŞte avec les compromis Ă trouver entre la vie amoureuse,
la vie professionnelle et la vie familiale avec l’arrivée des responsabilités parentales.
À cette époque, j’étais devenu un jeune papa, mon activité professionnelle de chercheur
connaissait un nouveau souffle mais mon activité d’auteur ou de sculpteur s’éteignait peu à peu...
À la mi-avril 2023, c’est sous forme de série télévisée que nous pouvons suivre la suite de cette trilogie.
Cette fois-ci, Klapisch suit les aventures à Athènes des enfants des personnages qu’il nous avait fait découvrir
dans ses trois films. Mes enfants sont encore trop jeunes pour partir étudier à l’étranger, ils
ont l’âge que j’avais quand je regardais Ulysse 31, mais
la grande, collégienne, a malgré tout déjà des projets en ce sens...
Cette série résonne encore fort en moi : un peu de nostalgie, et le regard porté sur
l’avenir qui retourne au passé, en se disant que l’on a sans doute davantage vécu d’années
qu’il n’en reste encore à vivre. Et puis, ma première grande conférence en présentiel
post-confinement avait eu lieu justement à Athènes, en juin 2022, non loin de l’Acropole.
Une musique revient sans cesse dans ma tête, la chanson « O Pio Kalos Tragoudistis » :
Γεια σου, γεια σου
ποιος σου έκλεψε ας ξέραμε τη χαρά σου...
Klapisch a appelé sa série Salade grecque. Je lui aurai plutôt donné
comme titre Gyros, le fameux « sandwich grec »,
l’équivalent du chawarma arabe ou du döner kebab turc, et qui désigne
la rotation de la broche de viande qui se fait rôtir. Dans l’Auberge espagnole, des étudiants
vivaient un bouillonnement d’expériences, et dans Salade grecque, les expériences
sont vĂ©cues par leurs enfants... La boucle est bouclĂ©e, c’est-Ă -dire un cercle, qui se dit en grec : γύρος, gyros.
Mercredi, le 9 mai 2018
Intelligence artificielle et salade russe
Hier soir, sur le site de l’Université Lyon 3, a eu lieu le débat de clôture de Pop’Sciences Forum :
« Intelligence artificielle, demain commence aujourd’hui ».
Après une présentation d’Olivier Nerot sur les difficultés à tracer des frontières entre le vivant
et le non-vivant, ce dernier a été rejoint par Jean-Claude Dunyach et Sylvie Allouche pour une table ronde.
Après un démarrage troublé par le robot dinosaure de la fille de Nerot, les différents intervenants
ont présenté leurs visions du futur de l’IA. Le débat a assez vite dérapé pour passer trop rapidement
sur les points intéressants du sujet (qui sont revenus brièvement dans les remarques et les questions
de la salle, à la toute fin) pour aborder des sujets assez éloignés tels que le transhumanisme, la notion de
singularité ou la
vallée dérangeante...
À titre personnel, c’est plutôt le transhumanisme qui me dérange. Je préfère de loin la vision de Joël de Rosnay
sur
l’hyperhumanisme.
C’est du moins ce que je vise dans mes propres travaux de recherche dans le domaine de l’IA où la finalité est de favoriser la diversité (en particulier au niveau culturel), de croiser les regards (entre les différentes disciplines scientifiques), de s’ouvrir aux autres… bref, d’être plus humain.
Mais bon, cette soirée aura quand même été l’occasion de revoir quelques membres lyonnais de la
Gang :
Sylvie Lainé et Nicolas Le Breton. Il faut dire que le groupe a un peu explosé avec les départs des uns et
des autres aux différents coins de la France (en région parisienne, au sud, au nord, dans l’ouest),
voire dans le reste de la francophonie (Suisse, Canada).
Tiens, petit message personnel à celui qui fut le Capitaine de la Gang, le désormais
bordelais André-François Ruaud qui travaille dans la traduction de l’anglo-russe des
mémoires d’un certain détective :
hier après-midi, je n’ai pas pu me rendre chez moi et j’ai dû faire un gros détour parce que
le Prince Charles et la duchesse Camilla sont allés faire des dégustations à quelques pas de chez moi,
aux Halles Bocuse. Quel rapport avec l’intelligence artificielle ? A priori aucun si ce n’est qu’au cours de
son histoire, l’IA a connu de nombreux « hivers ». Un exemple frappant présenté comme
un échec de l’IA concernait les problèmes de la traduction automatique (il faut remonter au temps de la guerre froide
et à l’époque où la DARPA finançait largement les laboratoires de recherche en IA aux États-Unis).
Une phrase en anglais telle que « l’esprit est fort, mais la chair est faible »
passée de l’anglais au russe, puis du russe à l’anglais revenait sous la forme de « la vodka est forte,
mais la viande est avariée ! »
Mercredi, le 13 septembre 2017
Alien : Covenant, c’est toute ma vie
La semaine dernière, ma vie ressemblait beaucoup trop Ă
Alien : Covenant.
Tout avait commencé par des collègues croisés dans les bureaux.
La période des vacances estivales ressemble vraiment à une sorte de grand sommeil
dans les habitudes professionnelles, avec au réveil quelques personnes qui ne font plus
partie de l’équipe (néanmoins celles-ci connaissent un sort plus enviable que celui du
commandant de bord du film de Ridley Scott). Grosse responsabilité sur nos épaules :
mĂŞme si nous ne transportons pas des milliers de passagers en hibernation, nous
avons à notre charge des centaines d’étudiants que nous poussons à acquérir un
savoir scientifique et technique au cours de cette année universitaire afin
qu’ils puissent valider un diplôme, à défaut de s’établir sur une nouvelle planète
Ă terraformer et Ă coloniser.
Sur le campus, des herbes folles ont envahi les abords des bâtiments, les
jardiniers ne se sont pas encore occupés de l’entretien. Cela fait penser au
champ de blé laissé à l’abandon sur la planète découverte par le
Covenant.
Et soudain, en passant Ă cĂ´tĂ© de ces hautes herbes, je me suis fait infecter, Ă
la manière des nano-machines à l’allure de spores du dernier opus en date de la saga
Alien.
Essayez d’imaginer un instant qu’un corps étranger entre dans votre oreille
et cherche à creuser un chemin jusqu’à votre cerveau... Vous aurez ainsi une
petite idée de mon
état de panique en rebroussant chemin, affolé, interpelant des collègues
afin de trouver de l’aide. Bien entendu, rien n’était visible dans mon oreille,
mais le bourdonnement dû à des battements d’ailes contre mon tympan avait de quoi
expliquer ma crise. Incompréhension, appel sans succès auprès des
pompiers et médecins urgentistes, attente insoutenable...
J’ai décidé de régler le problème tout seul, un peu
à la manière décrite dans
«Â
la Bête à Maît’ Belhomme » (comme quoi,
les lectures de l’enseignement secondaire peuvent avoir une utilité inattendue), c’est-à -dire en
vidant une bouteille d’eau dans mon oreille. Néanmoins, j’ai eu moins
de chance que pour le paysan normand dépeint par Maupassant : la bête semblait
toujours vivante et pas décidée à quitter mon oreille.
En vitesse, je me suis rendu sur un autre bout du campus afin d’informer les
collègues — qui m’attendaient pour un jury — de mon infortune
et de mon retard, et j’ai réussi à trouver une infirmière à qui expliquer mon problème.
Je me suis donc retrouvé allongé sur un lit d’auscultation, la tête sur le côté, l’oreille remplie de sérum
physiologique. Cela a eu pour effet de faire cesser les battements d’ailes, mais
pas moyen de sortir l’insecte noyé de mon conduit auditif.
La chemise trempée, j’ai retrouvé mes collègues et j’ai chamboulé l’ordre de passage
des soutenances afin de quitter rapidement le campus pour rentrer chez moi et trouver un médecin.
Ce n’est que le lendemain matin que j’ai pu voir mon médecin traitant qui m’a confirmé voir un
cadavre d’insecte volant collé à mon tympan. Son extraction avec une pince s’étant avérée à la fois
inefficace et très douloureuse, mon médecin a réussi à m’obtenir un rendez-vous avec
un spécialiste pour la fin d’après-midi. Les heures se sont écoulées lentement
durant toute la journée avec cette gêne jusqu’au moment où j’ai pu voir l’ORL.
Un petit coup d’aspirateur dans l’oreille, et hop, en un rien de temps, mon
problème était réglé. J’étais soulagé de voir qu’il ne s’agissait que d’une
banale mouche, et non d’un des multiples avatars du célèbre xénomorphe.
C’est ici que s’arrêtent les points de comparaison entre ma vie et le film
Alien : Covenant.
Ou presque.
Oui, tout comme Peter Weyland,
j’effectue des travaux de recherche qui ont des applications dans le domaine
de l’intelligence artificielle...
Lundi, le 19 novembre 2012
L’IA, les robots et moi (créateurs, créatures, et cætera)
Il y a
10 ans,
je venais de crĂ©er ce blogue. À cette Ă©poque, je m’apprĂŞtais Ă soutenir une thèse
dans un domaine dérivé de l’intelligence artificielle et je me posais des questions sur
mon avenir. Dix ans plus tard, je suis toujours autant intéressé par l’intelligence artificielle
et mon métier d’enseignant et chercheur me permet de faire de jolies rencontres,
comme revoir le mois dernier lors d’une conférence quelqu’un qui
avait été l’auteur d’un essai fondamental sur l’IA que j’avais lu avec passion
dans mes premières années d’études universitaires,
puis, bien des années plus tard, avait été un de mes professeurs du temps où j’étais encore un étudiant parisien,
et qui est désormais un
collègue. Il m’avait alors confié qu’il
devait participer en tant qu’invité aux dernières Utopiales
afin d’intervenir sur une table ronde dédiée au sujet
des morales humaines et lois robotiques dans l’œuvre d’Isaac Asimov...
En mars 2012 s’était dĂ©roulĂ© Ă Lyon le sommet europĂ©en de robotique «
InnoRobo ».
Mon intérêt pour l’intelligence artificielle (l’IA) et
la robotique ne date pas d’hier : tout jeune adolescent, j’étais dĂ©jĂ
fascinĂ© par les œuvres de science-fiction Ă©voquant des crĂ©atures artificielles,
qu’il s’agît de grosses machines avec de simples boutons lumineux clignotants
– comme le « Colossus »
du film
le Cerveau d’acier
de Joseph Sargent sorti en 1970 (et adapté du roman
Colossus
de Dennis Feltham Jones) –, de robots
vaguement humanoĂŻdes – comme «
Robby » de la
Planète interdite
de Fred McLeod Wilcox en 1956 –, ou
que les machines fussent si semblables aux êtres humains que seuls des tests très poussés
permettaient de les distinguer de nous
– comme les « rĂ©plicants »
dans
Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982
(adapté des
AndroĂŻdes rĂŞvent-ils de moutons Ă©lectriques ? de Philip K. Dick).
J’éprouvais déjà pour les créatures artificielles une réelle fascination, un mélange curieux d’admiration et de
crainte, que je dois à la tradition judéo-chrétienne et à l’héritage culturel gréco-romain qui
m’ont façonné. Or c’est peu dire que la
Bible n’est pas tendre avec ceux qui se permettent de
réaliser des créations qui nous ressemblent, car cet art est réservé à Dieu seul :
« Dieu crĂ©a l’homme Ă son image, il le crĂ©a Ă l’image de Dieu,
il crĂ©a l’homme et la femme. » (Genèse 1:26). L’
Ancien Testament est
bourré d’interdits sur la réalisation de créations nous ressemblant :
« Tu ne te feras point d’image taillĂ©e,
ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux,
qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre »
(Exode 20:4, mais on retrouve des propos similaires aussi
en LĂ©vitique 26:1, en DeutĂ©ronome 4:25 ou 5:8, etc.). À ce propos, je devrais aussi m’interroger
pour mon attrait pour les arts plastiques,
et en particulier pour la
sculpture et le modelage de l’argile...
Dans la mythologie grecque, le destin est tragique pour l’être légendaire qui aurait
été à l’origine de l’humanité, à savoir le Titan
Prométhée. Après avoir créé les hommes à partir d’argile et d’eau,
il vole le Feu de l’Olympe (symbolisant la connaissance) aux dieux pour en faire don aux hommes,
déclenchant le courroux des dieux qui l’enchaînèrent à un rocher où un aigle venait chaque jour lui
dévorer le foie.
De fait, les histoires de créatures intelligentes se terminent mal, en général, et les
créateurs qui osent braver l’interdit sont remis à leurs places de simples mortels le plus souvent de
manière très cruelle.
Les premières crĂ©atures appelĂ©es « robots », qui sont plutĂ´t
des androïdes, sont celles que l’on retrouve dans la pièce de théâtre
R.U.R. de l’auteur tchèque Karel Capek...
Je pense que ce n’est pas trop déflorer l’histoire que de dire que, à la fin de la pièce, les robots se révoltent
et finissent par anéantir l’humanité.
Les créatures artificielles qui ressemblent à l’homme, on en retrouve aussi des traces dans la tradition
juive avec le
Golem, ce « second Adam » d’argile prenant vie
par le pouvoir magique du rabbin le Maharal de Prague. En détruisant le Golem,
le rabbin aurait été écrasé par la masse de sa créature.
Dans
Frankenstein ou le Prométhée moderne, écrit en 1818 par Mary Shelley,
la science reprend la place qu’occupait auparavant la magie, et on sent dans ce texte
que l’arrivée de l’électricité permettait d’imaginer toute forme de pouvoirs,
dont celui de donner vie à une créature
composée de parties de corps humains décédés. Là encore, le récit se termine
par la mort du créateur (qui traquait sa créature qui ne faisait que semer la désolation
autour d’elle), et l’horreur inspirée par cette histoire était telle qu’une confusion
a fini par s’établir entre la créature et le créateur,
« Frankenstein » dĂ©signant pour la plupart des gens le monstre au lieu
du scientifique qui était parvenu à créer une telle abomination.
Au moment où l’homme mettait le pied sur la Lune, Stanley Kubrick sortait son film
2001, l’Odyssée de l’espace
(au scénario inspiré de nouvelles écrites par Arthur C. Clarke). Le vaisseau spatial était
assisté par une intelligence artificielle appelée
HAL 9000. Les astronautes,
comprenant que l’IA était en train de dérailler, avaient décidé de la désactiver... mais celle-ci,
ayant pu lire leurs intensions sur les lèvres, avait essayé de les supprimer.
On peut noter que la seule manifestation de
HAL, outre sa voix et son contrĂ´le du vaisseau
spatial, est son œil rouge, nĂ©cessairement menaçant, comme l’est celui du robot
Terminator
quand il est débarrassé de son enveloppe humaine.
Dans la saga des films
Terminator,
dont le premier volet avait été réalisé par James Cameron en 1984, le concept est toujours le même
– des mĂ©chants robots viennent pour dĂ©truire l’humanitĂ© et il ne reste qu’une poignĂ©e d’humains
pour lutter contre les machines – mais
l’histoire se complique par des voyages dans le temps pour revenir dans le passé afin de changer
l’issue de cette bataille. Suivant les épisodes, le
Terminator venait du futur soit pour
tuer le leader de la révolution, soit pour le protéger.
Dans les années 1970 et 1980, même si on rencontrait en Occident des robots moins méchants
(comme « R2D2 »
et « C6PO » de la saga
la Guerre des étoiles), c’était
surtout les influences orientales (oĂą le robot est vu plutĂ´t comme un compagnon
que comme une créature soumise à un maître) qui vinrent
changer le regard que nous portions sur les créatures artificielles, comme
Astro le petit robot (
Astroboy dans sa version originale japonaise)
ou « Nono » de la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e d’animation franco-nippone
Ulysse 31.
On commençait à faire apparaître des robots plus gentils à partir du moment où
ces derniers devenaient plus « humains », ou
en tout cas quand ils perdaient un peu de leur rationalité initiale au profit de l’émotion.
On trouvait ainsi « Johnny 5 », dans
Short
Circuit de John Badham, sorti en 1986, qui est un exemple intéressant de
recyclage de la créature de Frankenstein. C’est à nouveau l’électricité
qui provoque la vie en changeant un robot militaire et en lui donnant des capacités
émotionnelles que l’on ne retrouve pas chez les artefacts ordinaires. Le robot est considéré
comme étant un humain parce qu’il est capable d’avoir de la sensibilité et de l’humour.
Bien plus tard, il y eu aussi « Andrew », le robot domestique de
l’Homme bicentenaire de Chris Columbus, sorti en 1999, et adapté
de la nouvelle éponyme d’Isaac Asimov. Tout au long des deux siècles où se déroule
cette histoire, le robot Ă©volue, il subit des
modifications qui le font paraître de plus en plus humain, et ce dernier se bat juridiquement
pour chercher à être reconnu comme un être humain à part entière par l’humanité. Il y parvient au moment
où il acquiert enfin une caractéristique essentielle pour tout être vivant, c’est-à -dire la
possibilité de mourir...
C’est d’ailleurs intéressant de voir que, dans les
œuvres de fiction traitant de l’intelligence artificielle,
les oppositions de base entre la vie et la mort, le créateur et sa créature,
l’amour et la haine, ou le fait de donner la vie ou de tuer semblent perdre leurs frontières pour se mêler,
car on a un peu l’impression qu’une créature artificielle ne peut être
considérée comme intelligente que si elle est aussi vivante,
et que donc elle a aussi la capacité à mourir.
C’est ainsi que Frankenstein finit par se faire tuer par sa créature, ou que Tyrell, le créateur des
réplicants de
Blade Runner, se fait écraser la tête après
un baiser de la mort donné par une de ses créatures qui souhaitait l’obliger
à modifier son caractère génétique afin de prolonger sa durée de vie...
Ces jeux curieux entre la vie et la mort, la créature et son créateur, le fait de donner la
vie et de tuer se retrouvent chez ce même réalisateur qu’est
Ridley Scott dans d’autres œuvres cinĂ©matographiques.
DĂ©jĂ , dans le premier
Alien sorti en 1979,
on rencontre, en plus d’une intelligence artificielle assez basique
chargĂ©e de piloter le vaisseau spatial et appelĂ©e « Maman », un androĂŻde
cachĂ© parmi les humains appelĂ© « Ash ». Sans vouloir interprĂ©ter tout
de façon freudienne, il est difficile de manquer dans ce film les jeux multiples sur la reproduction
et la sexualité, avec une certaine obsession pour l’orifice buccal :
les ĂŞtres humains sont contaminĂ©s par les aliens qui leur pondent un fœtus de crĂ©ature dans la bouche,
les aliens sont pourvus d’une tête phalloïde ainsi que d’une deuxième bouche
rétractile dans leur bouche, l’androïde Ash cherche à étouffer Ripley
en lui introduisant un magazine dans la bouche en une parodie de scène de fellation,
les androïdes sont des machines dont les circuits sont alimentés par un liquide blanc et gluant...
On dirait vraiment que ces idées hantent le réalisateur américain car dans
Prometheus,
son dernier film en date, ces obsessions sur les modes de reproduction et sur l’artificiel
sont encore plus criantes : si les machines androĂŻdes
sont des créations des humains, nous, les êtres humains,
serions les crĂ©ations d’une espèce extra-terrestre appelĂ©e les « IngĂ©nieurs » ;
l’origine de la vie sur Terre serait due au sacrifice d’un Ingénieur
qui aurait mêlé l’ADN de son organisme à l’eau à travers l’action de nanorobots ;
ces mĂŞmes nanorobots seraient capables de contaminer un ĂŞtre humain pour le transformer en
créature zombiesque parvenant à féconder une femme stérile ;
un Ingénieur sorti de son hibernation cherchera à détruire
les humains que son espèce est parvenue à créer... Cette fois-ci, les monstrueuses créatures,
ce sont nous, et nos créateurs cherchent à nous détruire comme avait tenté de le faire le Docteur
Frankenstein.
Sans dresser une liste exhaustive des œuvres de fiction
(cinématographiques) où sont présentées des intelligences artificielles et leurs
incarnations sous forme de robot (j’aurais pu parler
d’
I, Robot
d’Alex Proyas qui est sorti en 2004 ou
d’
A.I.
de Steven Spielberg qui est sorti en 2001), je crois que l’une des visions les plus
réalistes mais néanmoins tordues qui soient sur les liens entre la nature et l’artificiel,
le modèle et sa copie, se rencontrent dans le du film de science-fiction franco-espagnol
Eva
rĂ©alisĂ© par Kike MaĂllo et sorti en 2011 oĂą se mĂŞlent les sentiments humains d’amour,
de jalousie et de haine dans un monde de petits génies de l’intelligence artificielle
et de la robotique.
Enfin, pour l’instant, nous n’en sommes pas encore là . Les robots que j’ai croisés au mois de
mars de cette année sont plein de potentialités en terme de capteurs et de capacités d’action
mais, à mon sens, ils sont encore loin d’être dotés de programmes pouvant leur
donner un semblant de comportement intelligent...
« Nao » d’Aldebaran Robotics
« Reeti » de Robopec
« RoboThespian » de Engineered Arts Limited
Mardi, le 12 octobre 2010
Choisir, c’est...
En parcourant le document de travail rédigé par un collègue, je suis
tombĂ© sur la phrase : « Choisir, c’est renoncer ».
J’ai fait remarquer à mon collègue qu’il s’agissait d’un cliché (même s’il
s’agit plutôt de l’adaptation libre d’une citation d’André Gide), ce qu’il n’a
pas très bien pris car cette notion reprenait avec justesse les idées
qu’il souhaitait introduire. En guise de provocation et de démonstration
par l’absurde, il a ainsi dit que « tout » pouvait ĂŞtre « renoncer »,
comme le fait d’avoir une érection.
C’est alors que j’ai poursuivi son idée, détruisant son argumentation dans
un grand Ă©clat de rire mutuel : « bander, c’est
renoncer... Ă pouvoir pisser avant cinq minutes ».
Archives
Chronologie :
Parce que rien ne vaut le fait d’avoir de bons copains et de partager avec eux des joies simples.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Au sujet de nos amies les bĂŞtes.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Article critique. Point de vue personnel sur une œuvre. Coup de cœur ou coup de gueule.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Curiosités linguistiques
À propos de la langue française ou d’autres langues, dialectes et parlers rĂ©gionaux. RĂ©flexions sur les usages linguistiques de la communautĂ© francophone. Aspects insolites de la langue. Jeux de mots.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Dessin / Arts graphiques et numériques
Dessins réalisés de manière traditionelle (crayon, stylo, feutre,
fusain, pastel, pierre noire ou sanguine, craie, plume, encre de Chine, etc.) ou traités par ordinateur à travers des logiciels d’infographie.
Curiosités calligraphiques. Ambigrammes (figures graphiques de mots devenant d’autres mots à partir d’une symétrie ou rotation). Anamorphoses. Peintures. Arts en deux dimensions.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Événements / Grands rendez-vous
Comptes rendus ou programmes de grandes rencontres : conventions, festivals, conférences et soirées thématiques.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Parce qu’on est le fils, le frère, le cousin ou le neveu de quelqu’un.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
De tout ce qui a trait Ă ce genre artistique oĂą intervient le surnaturel.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Films / Télévision / Vidéo
À propos des productions artistiques essentiellement visuelles : films (court, moyen ou long mĂ©trage), animations, dessins animĂ©s, mangas, sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es, vidĂ©o-clips, etc.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Histoires / LĂ©gendes
Au sujet de l’Histoire et des histoires. Faits avérés ou non. Mythes.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Humour / Insolite / BĂŞtises
Impressions insolites. Histoires drĂ´les ou surprenantes. Blagues.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Internet / NTIC / Informatique
De tout ce qui a trait aux « nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Informatique (aspects matĂ©riels et logiciels). Internet, aspects du Web, HTML. MultimĂ©dia.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Livres, revues, recueils de nouvelles et anthologies.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Musiques / Radio / Audio
À propos des productions artistiques essentiellement auditives : musiques, chansons, concerts, opĂ©ras, Ă©missions de radio, etc.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
RĂ©flexions sur le devenir de la Terre ou, plus modestement, de ma petite personne...
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Questionnaires et sondages, le plus souvent ludiques.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Recettes / Gastronomie
De tout ce qui a trait à l’art culinaire. Recettes de cuisine. Bonnes tables. Grandes bouffes.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Impressions et réflexions sur notre société.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
De tout ce qui a trait au genre artistique qui incorpore dans son imaginaire des réflexions scientifiques (plus ou moins poussées). Par excès, si on considère que les mythes et la magie peuvent tenir lieu de science, peut englober le genre
fantasy.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Sculptures / Arts plastiques
Taille de pierres ou modelage, mais aussi peinture, architecture, etc. Expositions. Vernissages. Musées.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Productions littéraires personnelles, de la
short short story Ă la nouvelle.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Impressions à la première personne.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
>>>
Travaux d’écriture
Au sujet de l’art d’écrire, que ce soit sous forme romanesque, documentaire ou émotionnelle. Travaux personnels d’écriture en cours. Réflexions d’amis auteurs.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]
Au sujet de mon travail d’enseignant-chercheur.
[
voir les 5 derniers articles] ou [
voir tous les articles]